← Retour

Union des commerçants (L’)

L’Union des commerçants. Bulletin de l’union des commerçants d’Arras

Depuis le début de la IIIe République, les commerces : boulangeries, cafés, coiffeurs, etc. se sont multipliés dans les villes. Très vite, les commerçants cherchent à défendre leurs intérêts par la création de la Ligue syndicale pour la défense du commerce. En 1898, elle compte plus de deux cent mille adhérents à travers de nombreuses sections locales dont l'Union des commerçants d'Arras fondée en 1894.
En avril 1898, cette section locale se dote d'un bulletin mensuel, L'Union des commerçants. Imprimé par Répessé-Crépel, 8 et 10, rue des Rapporteurs, ce périodique est placé sous la direction administrative et rédactionnelle du président de l'UCA, le libraire E. Ségaud. Distribué gratuitement aux membres de l'association, il comprend quatre pages de format 36 x 53,5 cm, présentées sur quatre colonnes.
Au sortir de la grande dépression, L'Union des commerçants fait l'historique de cette UCA créée pour étudier et défendre les intérêts du commerce local. L'évolution du mode de vie serait à l'origine d'un certain malaise parmi les commerçants : « la facilité des communications, l'abaissement des prix de transport, le développement des machines et l'intensité de la production, sans compter les expositions universelles, ont eu pour résultat d'amener un changement considérable des mœurs dans le pays, dont l'un des caractères nouveaux les plus saillants semble être un besoin impérieux de changement, de déplacement, aggravé d'une admiration servile pour Paris et tout ce qui en vient et d'un mépris affecté pour la province, où il est de bon ton de se dire exilé parmi les mécréants. » À l'exemple de l'agriculture qui « a su faire preuve d'un esprit d'initiative et de solidarité qui devait inévitablement forcer l'attention des pouvoirs publics », les commerçants entendent bien se défendre.
Ce périodique doit être l'un des moyens : « Ce journal resserrera entre tous les commerçants de notre ville les liens créés par la communauté des intérêts. Complètement étranger à toute préoccupation politique, il n'aura d'autre programme que de parler pratiquement aux commerçants des choses du commerce ; d'autre but que de les amener à comprendre combien il devient chaque jour plus indispensable d'oublier les divisions mesquines que peut produire un esprit étroit de concurrence et de rivalité, pour travailler tous ensemble à défendre nos intérêts communs qui ne peuvent être séparés, quoi qu'on en dise, des intérêts tout entier du pays. »

PETITS COMMERÇANTS ET DEMOISELLES DE GRANDS MAGASINS
Ce journal se veut donc le reflet des préoccupations corporatives des boutiquiers arrageois. Tout au long de ses colonnes, E. Ségaud et les membres de la commission rappellent l'importance des commerçants dans une ville, dénonçant tout ce qui les concurrence et leur nuit. Ils s'en prennent aux « commerçants des villes voisines qui viennent vendre leur marchandise sans payer de patente ». Ainsi, en 1895, 8 800 kg de pain ont été vendus quotidiennement à Arras par des commerçants étrangers à la ville. Soit selon la Chambre de commerce un manque à gagner annuel de 780 000 F. Sont également visés les marchands forains et les colporteurs qui ne paient pas de patente, les bazars juifs, etc. Les grands magasins sont la bête noire de l'Union commerciale d'Arras. Le journal montre du doigt les Grands Bazars de Reims, Beauvais, Le Havre, Lille et Tours condamnés pour contrefaçon, lors d'un procès intenté par un certain Dumoulin, inventeur de la Pâte flamande… Il se fait l'écho des revendications des demoiselles de magasin qui « réclament un peu d'humanité dans les Grands Bazars » à savoir quelques instants de repos.
Le mensuel publie également de nombreux articles techniques. Au hasard des éditions, le lecteur est informé sur la « loi sur les accidents du travail », « les liquidations judiciaires », etc. Il trouve également des articles sur des sujets plus locaux comme « le marché de la petite place », sans oublier le compte rendu de la réunion mensuelle de l'UCA.

L'UNION TOURNE COURT
Après 24 numéros, en juin 1900, le Bulletin de l'Union des commerçants d'Arras laisse la place à un bimensuel, commun à plusieurs unions commerciales de la région. « Ainsi se réalise, pour notre propagande, un grand succès que nous n'aurions pu atteindre avec nos seules ressources » explique la section d'Arras à ses adhérents, qui cherche à les rassurer : « Sous un titre différent, les mêmes doctrines économiques et sociales y seront défendues par les mêmes hommes, avec les mêmes convictions. »
L'expérience tourne court. Et en décembre 1900, l'Union des commerçants d'Arras reprend sa publication. « L'essai d'un journal commun entre plusieurs unions commerciales de la région n'ayant pas donné tous les résultats attendus » explique-t-on aux lecteurs de ce numéro 25. Le contenu est sensiblement le même que celui du journal édité quelques mois plus tôt. Il propose cependant une nouveauté, un feuilleton.
Le Pas-de-Calais et Arras en espèrent des retombées positives. Aussi, dès avril 1903, le périodique suit-il, mois après mois, la préparation de l'exposition de 1904 où toute l'industrie et le commerce du département vont se présenter sous leur meilleur jour. En mars 1904, L'Union des commerçants d'Arras qui consacre toute sa « une » à l'événement, exulte, « Arras en fête » titre-t-il. Au cours des numéros qui se succèdent, le périodique passe en revue les exposants arrageois. En juillet 1904, ce sont les industries diverses, et notamment l'imprimerie, qui sont à l'honneur. Le mensuel mentionne bien sûr l'imprimerie Répessé-Crépel et Cie, fondée en 1873, qui expose plusieurs volumes sortis de ses presses, mais aussi une vitrine consacrée à la lithographie avec des planches gravées et tirées en couleur du Mémorial historique de Chérisey. Enfin « des machines du constructeur lillois Turbelin […] initient le visiteur aux progrès incessants de la mécanique appliquée à l'imprimerie ». Le journal n'omet pas d'évoquer les imprimeries du Courrier, celle de la maison Schoutheer frères, une des doyennes de la corporation puisque fondée 1798, et enfin celle de L'Avenir. Le quotidien fait « fonctionner une presse Phénix sur laquelle se tirent sans relâche des cartes illustrées ». Ce numéro est aussi l'occasion d'intéresser le lecteur à la photographie.
L'état lacunaire des collections ne permet pas de connaître l'opinion de l'UCA devant l'agitation ouvrière de 1906, la crise viticole. Par contre, dans son numéro d'août-septembre 1904, L'Union des commerçants d'Arras examine les répercussions éventuelles de la loi sur les congrégations enseignantes sur le commerce local.
Le dernier numéro conservé aux Archives départementales du Pas-de-Calais est de février-mars 1911. Le périodique est alors dans sa douzième année