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BULLETIN MUNICIPAL D’HÉNIN-LIÉTARD

Ville d'Hénin-Liétard. Bulletin municipal

C'est un peu le symbole de la reconstruction d'une ville pendant une quinzaine d'années. Modeste et « bricolé » avec les moyens de services municipaux en pleine réorganisation, à ses débuts en 1920, le bulletin municipal d'Hénin-Liétard est, en 1935, une revue de belle tenue avec plusieurs dizaines de pages illustrées de photos. Pendant toutes ces années, il a suivi la renaissance de la cité. Il a présenté, selon les lois du genre, le travail de l'équipe emmenée par le maire socialiste Adolphe Charlon, constamment réélu dans l'entre-deux-guerres.

À MOINDRE COÛT
« Soyons modestes et économes. » Au sortir de la guerre pouvait-il en être autrement ? Même s'il est nécessaire pour la municipalité issue des élections de 1919 de se doter d'un organe de propagande, elle ne peut pas se permettre de dépenses inconsidérées. De format 21 x 31 cm, le premier bulletin municipal d'Hénin-Liétard, daté de mars 1920, comprend douze pages manuscrites. Présentées sur deux colonnes, elles ont été polycopiées à 200 exemplaires. Le maire s'en explique : « on ne peut pas négliger ce moyen qui nous permet d'exposer et de défendre des idées, la presse est le porte-voix de ceux qui, dans l'intérêt général, ont besoin de se faire entendre et comprendre. Pour atteindre notre but, nous ne payons pas nos rédacteurs, nous travaillons le jour pour éviter l'éclairage, notre force motrice sera nos bras, nos frais généraux nuls, le reste dans notre cœurs et notre dévouement. Seul le papier devra être payé, nous ne pouvons éviter cette dépense. » Et déjà d'esquisser son programme basé sur trois axes : le déblaiement, l'alignement et l'embellissement. Enfin, ce numéro rapporte la visite du préfet dans une ville qui comptait 20 000 habitants en 1914, 11 000 avec les réfugiés en avril 1917 lors de l'évacuation générale, 23 le 2 décembre 1918, le jour de la réinstallation des services municipaux, et aujourd'hui atteint 15 000 habitants.
La vie a repris et c'est ce que raconte dans ses numéros suivants le bulletin municipal avec la présentation des arrêtés pris par le maire, des sociétés locales, le compte rendu de la remise des récompenses aux lauréats du certificat d'études… Au fil des mois, le tirage du bulletin a augmenté, les quelques feuilles ronéotypées sont devenues un vrai périodique. Déjà le n° 5 comporte un supplément imprimé à l'occasion d'une visite ministérielle, mais, en septembre 1920, le maire peut s'exclamer « c'est presque un journal ». Le périodique a été imprimé à 700 exemplaires par les établissements Th. et A. Plouvier et C. Chartreux à Hénin-Liétard. Présenté sur trois colonnes, il comprend huit pages. La « une » est ornée au-dessus du titre, d'un blason couronné représentant un cheval entouré de feuilles d'olivier. Il est diffusé gratuitement, mais la municipalité n'hésite pas à lancer un appel à la générosité : « nous acceptons avec reconnaissance les dons à partir de 12 F par an pour couvrir les frais d'impression, la rédaction en étant gratuite. » La dépense est-elle trop élevée ? À partir du numéro suivant (octobre-novembre 1920), la périodicité est bimestrielle, mais la mairie peut enrichir le contenu avec des articles parus dans Le Réveil du Nord et le Journal de Lens.

UN BEAU TIRAGE
Les collections des Archives départementales comportent des lacunes, mais quelque deux ans plus tard, en juin 1922, le bulletin municipal a encore plus fière allure : à l'occasion de la fête de la Renaissance, il a « un caractère demi-luxe » selon l'expression usitée pour le présenter. Le papier est de meilleure qualité, la « une » illustrée de l'affiche de la fête. La photo est probablement utilisée depuis plusieurs numéros : « Les clichés mêlés heureusement au texte ont porté les quantités à 1 200, le dernier numéro atteint 1 500. Aujourd'hui nous voilà au beau chiffre de 2 000. » Si la fabrication est bien entre les mains de professionnels, le maire veille à tout. Au fond, comme à la forme. Le nouveau blason de la ville voulu par Charlon a remplacé l'ancien à côté du titre : l'écusson sablé représentant un cheval, tête levé et hennissant à pleins naseaux, couronné et entouré de feuilles d'olivier est maintenant entouré de banderoles portant les mots : « travail », « solidarité », « justice » et de trois dates « 3 octobre 1914 », « 27 avril 1917 », « 2 décembre 1918 ». Les premiers se veulent le symbole de « l'esprit qui règne actuellement parmi [les Héninois] unis pour la restauration de leur ville ». Les autres rappellent l'invasion de la ville, l'évacuation générale, et le retour de la municipalité.
La périodicité semble plus chaotique, cependant 1925 est l'année des élections municipales et le bulletin ne saurait manquer ce rendez-vous. Le numéro 32 de mars-avril 1925 dresse d'ailleurs le bilan du mandat écoulé depuis le retour à Hénin-Liétard du secrétaire de mairie Adolphe Charlon le 30 octobre 1918 et son élection à la mairie le 30 novembre 1919. L'ensemble est bien sûr illustré par de nombreuses photos. Deux mois plus tard, un nouveau bulletin présente tous les élus de la liste socialiste reconduits dès le premier tour des élections. C'est aussi l'occasion de donner la liste de tous les maires et adjoints qui se sont succédé depuis 1789, de tous les conseillers depuis 1831. Outre les comptes rendus des conseils, et des résultats scolaires obtenus par les enfants de la commune, le périodique annonce l'inauguration prochaine de la mairie. Le numéro suivant tiré à 2 500 exemplaires est largement consacré à cet hôtel de ville. Dans le numéro 35 daté de septembre-octobre 1925 les photos de quartiers rénovés se multiplient, mais surtout la municipalité annonce qu'elle occupe désormais ce nouvel hôtel de ville toujours pas inauguré.

LE TEMPS DES ÉCONOMIES
Les finances de la ville ne supportent-elles plus la publication régulière d'un bulletin municipal ? Les Héninois sont avertis que « pour raison d'économie, [il] ne paraîtra que lorsque son utilité sera indéniable ». En fait quatre numéros seulement sont publiés en dix ans notamment l'un pour l'inauguration de l'hôtel de ville en janvier-février 1926, et deux autres à l'approche de nouvelles élections en avril 1929 et en avril 1935. Outre les nouvelles réalisations : l'abattoir, l'hôpital-hospice, le parc public, les groupes scolaires, etc., le lecteur y suit les polémiques engagées à l'occasion de la reconstruction en style gréco-byzantin de l'église Saint-Martin, la campagne contre le journal L'Indépendant. Le dernier bulletin est l'occasion pour le maire d'affirmer sa satisfaction devant l'œuvre accomplie. Il « a pu réaliser complètement le programme de reconstitution » de la ville, il y a même « ajouté de nombreuses améliorations ». Et d'espérer que les électeurs s'en souviendront… L'appel est entendu, Adolphe Charlon, hésitant sur une nouvelle candidature, pourra poursuivre son travail jusqu'en 1940.