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Cravache (La)

La Cravache. Organe international des travailleurs. Journal hebdomadaire

Devient : Le Cravacheur. Organe international des travailleurs. Journal hebdomadaire

Je n’ai pu consulter ce périodique.

Le Journal de Roubaix, dans sa livraison du 3 août 1897, annonce que, selon Le Libertaire, les anarchistes roubaisiens allaient lancer un hebdomadaire intitulé La Cravache. La chose n’allât sans doute pas aussi vite que l’espéraient ses promoteurs, puisqu’il fallut attendre le 14 novembre pour découvrir le nouveau périodique.

Qui ne tardât pas à faire parler de lui : Voici plusieurs dimanches que des rassemblements se forment sur la Grande Place à la sortie de la messe autour de vendeurs de certaines feuilles anarchistes. Ces vendeurs crient à tue-tête le titre de leurs papiers; c’est leur droit légal. À côté d’eux de vaillants jeunes gens, des volontaires ceux-là, opposent une feuille catholique. Eux aussi sont dans leur droit.... Et Le Journal de Roubaix de poursuivre : les anarchistes vendent aussi une brochure intitulée Les crimes de Dieu. Crier mille fois ce titre aux oreilles de bons chrétiens ne tombe-t-il pas sous le coup de la loi? Cela ne constitue-t-il pas le délit d’outrage à un culte reconnu? Étrange époque que celle-ci! Étrange législation que la nôtre!, poursuit le quotidien, en remarquant que d’énormes attroupements se créée autour du vendeur (le singulier est du Journal de Roubaix), qu’on le hue, qu’on le siffle, et qu’il suffirait de peu de choses pour qu’éclate un incident..

Éclat qui ne tarde pas à se produire. Il est rapporté par la livraison des 3 et 4 janvier du Journal. Les militants anarchistes crient La Cravache, Le Père peinard et Les crimes de dieu aux abords de Saint-Martin, comme chaque dimanche. Ils ont poussé des cris pendant l’Élévation. À la sortie, un de ceux qui sortent de l’église, repousse un peu vivement un des vendeurs. Les autres accourent, et la bagarre éclate. La police intervient, et interpelle quatre anarchistes, qui sont conduit au poste chantant L’Internationale, tandis que leurs adversaires entonnent La Marseillaise. Trois des hommes sont bientôt relâchés. Le quatrième est retenu pour avoir insulté la police. Bien entendu, L’Égalité n’a pas vu la même scène : Deux ou trois cents jeunes gens catholiques ont insulté et frappé quelques marchands de brochures anarchistes. Le comble, c’est que la police n’est intervenue que pour conduire ceux qui avaient été victimes des brutalités des cléricaux. Nouveaux incidents le dimanche suivant (Le Journal de Roubaix du 11 janvier). Sauvage est seul et crie sa marchandise. Des groupes hostiles se forment autour de lui à la sortie de la messe. Il est arrêté pour avoir provoqué un attroupement. Un de ses compagnons prend sa place : même déroulement, puis un autre et un autre encore. Les anarchistes sont relâchés vers quatorze heures. Sauvage retourne sur la place, et reprend sa vente. Nouvel attroupement; Sauvage est à nouveau arrêté, ainsi que deux de ses amis, L. Impens et C. D’Hooghe[1]. Les mêmes scènes se répètent le dimanche suivant. Les jeunes catholiques crient Le Pèlerin et La Croix. La foule l’ayant sifflé, Sauvage est à nouveau arrêté; il sera relâché dans la soirée.

Nouveaux incidents le dimanche suivant, selon le même schéma : Vers onze heures, les vendeurs de journaux anarchistes viennent prendre place et crier les titres de leurs journaux; des jeunes gens crient Le Pèlerin et La Croix; les curieux sont nombreux déjà, mais aucun incident ne se produit. À l’issue de la messe la foule devient plus compacte et la police, qui a du recevoir des ordres formels n’autorise pas les rassemblements, et fait circuler. Quant aux vendeurs anarchistes, ils annoncent toujours leurs journaux : Demandez les crimes de Dieu, La Calotte, La Cravache! À un certain moment, le compagnon Sauvage, qui a mis une brochure rouge à son chapeau, d’une main en agite éperdument une autre en criant à pleins poumons; ce fait provoque de la part de la foule indignée des huées et des sifflets. Aussitôt la police intervient et le vendeur anarchiste emmené au poste. D’un autre côté, les agents, sous les ordres de MM. Barroyer, commissaire central, Lecomte, commissaire de police, et Prouvost, inspecteur, refoulent les manifestants dans les rues adjacentes. Peu de temps après la place est complètement déblayée et l’ordre rétablit. Le compagnon Sauvage, qui était gardé en garde à vue au poste de police, a été relaxé dans la soirée. (Journal de Roubaix, 18 janvier 1898). De nouveaux heurts prendront place le dimanche 23 janvier.

Ces incidents répétés provoquent une descente du Parquet de Lille. Une perquisition est effectuée chez Sauvage, à la brasserie libertaire, rue de Mouvaux, pour des articles signés Léon Volk, parus les 8 et 15 janvier, excitation au meurtre et au crime selon les autorités judiciaires. Le procureur délivre un mandat d’amener contre Charles D’Hooghe, qui nie être Léon Volk (Journal de Roubaix, 10 février). La Cravache a vécu, son gérant Philippe, s’enfuit en Angleterre. Les anarchistes ont bien tenté de résister à la police, en l’empêchant d’entrer : ils estimaient la perquisition illégale car rien n’établissait leur mandat, ni la qualité, pas plus que la véracité de leurs affirmations. Mais cette résistance n’a pas duré longtemps devant l’attitude énergique de ces Messieurs... [2]. Un nouvel hebdomadaire, Le Cravacheur, est immédiatement créé. Sa vie sera encore plus brève : neuf numéros. Une deuxième descente du parquet a lieu au Laboureur, à Wattrelos, chez l’imprimeur Derickere. Celui-ci a imprimé La Cravache, puis Le Cravacheur, et aussi Le Vrai Roubaigno, hebdomadaire socialiste édité en patois. On recherche des preuves contre D’Hooghe, pour des articles paru dans La Cravache. Il ne semble pas qu’on ait trouvé beaucoup (Journal de Roubaix, 14 février 1898).

Derickere, poursuivi par Bonami Wibaux pour un article paru dans le numéro un de La Cravache, et, circonstance aggravante, reproduit dans les quatre numéros suivants, sera condamné le mois suivant. L’imprimeur se défend : il n’a lu cet article qu’après coup. Le tribunal le condamne à cinq francs d’amende, non pas pour participation consciente, mais pour faute d’imprudence et de légèreté (Journal de Roubaix, 2 mars 1898).















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[1] Est-ce le même Ch. D’Hooghe qui, au Congrès d’Amiens(1906) reprit la vieille idée du pain gratuit, au nom du syndicat de l’industrie lainière de Reims? (Maitron. Histoire du mouvement anarchiste…; p. 442).

[2] Journal de Roubaix; 12 février 1898.