GUETTEUR DE LILLERS (LE)
Le Guetteur de Lillers. Journal hebdomadaire de Lillers et de son canton paraissant chaque samedi midi
Certains commencent-ils à trouver Basin trop envahissant ? Après Béthune, Lens, Auchel, Bruay, le voici en effet le 18 mars 1922 à Lillers avec un nouvel hebdomadaire Le Guetteur de Lillers.
En tout cas, dans l'attente de la reparution du Journal de Lillers de Poriche, silencieux depuis le 27 septembre 1914, les lecteurs ne semblent pas bouder leur plaisir. Une deuxième édition du premier numéro doit être retiré dès sa sortie : « Le Guetteur de Lillers obtient, dès son premier numéro, un succès dépassant toutes nos espérances. […] Les milliers d'exemplaires de notre tirage ayant été aussitôt épuisés, il nous a fallu préparer et sortir une seconde édition » claironne son éditeur.
Ce n'est pourtant pas l'effet de surprise qui a pu jouer. Ceux qui connaissaient L'Avenir de l'Artois, cet hebdomadaire du samedi imprimé à Béthune par Basin, n'ont pas été dépaysés. La présentation est la même (format 45 x 60 cm sur six colonnes), les rubriques (Carnet d'un imbécile, Contes du Guetteur, etc.) sont les mêmes, les signatures sont les mêmes. La profession de foi que se doit de faire tout éditeur lors du lancement d'un nouvel organe est, mot pour mot, celle qui parut quelques jours plus tôt dans L'Avenir d'Auchel et dans Le Journal de Bruay. Seul…, le nom du titre a changé.
Face aux critiques, son éditeur répond aux accusations de mercantilisme formulées par un concurrent aigri : « Notre journal n'est pas l'œuvre d'amateurs sans expérience ou intéressés, il est édité et rédigé par des journalistes anciens dans la carrière ayant au cœur toujours de plus en plus ardent l'amour de leur belle profession. Il ne sert pas de mesquins intérêts personnels, mais se met au service de tous nos concitoyens en vue de l'intérêt général. » Il insiste aussi sur ses qualités : « Le Guetteur de Lillers a de nombreux collaborateurs expérimentés dans l'information rapide et exacte. Le Guetteur de Lillers possède un matériel perfectionné qui lui permet de multiplier les éditions en cas de graves événements. » Ce premier succès lui permet d'ailleurs d'affirmer sa foi en l'avenir : « Les Lillérois s'attacheront au Guetteur de Lillers qui n'est pas une petite feuille quelconque, mais un vrai journal, non seulement grand par son format mais la solidité de ses convictions et les moyens matériels dont il dispose pour les défendre et les faire triompher. »
A-t-il besoin de justifier qu'il n'est pas un corps étranger dans la ville face à un concurrent qui, préparant sa rentrée, pourra arguer d'une ancienneté de trente ans, et de quelque 1 500 numéros derrière lui ? La rubrique locale ne compte pas moins de sept colonnes d'informations. Pourtant, le petit poème paru en page 2 a tout d'une réplique : « Il paraît aujourd'hui / et ne tardera pas à / prouver que la / valeur n'attend pas / le nombre d'années / d'existence / Il compte dans sa rédaction des Lillérois / Il agit pour les Lillérois / Il est imprimé pour les Lillérois. » Dès le numéro 2, l'actualité locale est illustrée par la photo de la centenaire de Robecq récemment décédée. Si les mêmes formules sont reprises d'un journal publié par Basin à l’autre, elles sont adaptées au contexte local : la rubrique « Au hasard de la promenade » est de la plume d'O. Guet, lorsque L'Avenir d'Auchel dessine des silhouettes auchelloises, Le Guetteur de Lillers croque quelques « figures lilléroises » : musiciens, sportifs, membres du bureau de bienfaisance, d’associations locales, chef de la gendarmerie, membres du conseil municipal.
La « première » est ouverte à l'actualité locale. En juin 1923, le programme du cinquantième anniversaire de l'harmonie Fanien est annoncé sur six colonnes à la une. La semaine suivante, la relation des fêtes occupe deux pages. Les réunions de l'Union républicaine de Lillers dont Le Guetteur soutient les candidats ont droit au même traitement.
Le journal cherche à affirmer son ancrage local. En 1923, fier de son « succès toujours plus accentué », il annonce la création d'une succursale de son imprimerie commerciale. À partir du 9 juin 1929, il a deux éditions dont l'une concerne plus spécialement le secteur allant d'Estrée-Blanche à Isbergues. De la rue Nationale, le siège passe du 21, rue de Béthune en mai 1923, puis au 25, rue de Pernes en février 1931 et enfin place Jean-Jaurès à partir de mai 1935.
Le Guetteur de Lillers connaît les mêmes évolutions que L'Avenir de l'Artois dont la plus spectaculaire est le changement de formule en janvier 1938. Victime de la guerre, il cesse sa parution en mai 1940.
« La France a brisé ses chaînes. Vive la France ! Vive la liberté ! » Le vendredi 29 septembre 1944, soit près de trois semaines après L'Avenir de l'Artois, et cinq jours après son concurrent Le Journal de Lillers, l'hebdomadaire célèbre son retour avec le même titre, dans les mêmes termes que son confrère béthunois. Le compte rendu de la libération de Lillers a remplacé celui de Béthune. Edition spéciale de L'Avenir, Le Guetteur est un journal offrant un large éventail d'informations. Il absorbe son concurrent en avril 1956. Il disparaît lui-même en avril 1977.