Idée du forçat (L’)
L'Idée du forçat : organe du parti socialiste révolutionnaire du Nord
Si L’Idée du forçat est bien imprimée à Armentières, chez le gérant A. Gévart, elle indique deux adresses pour la rédaction : à Roubaix d’abord (3, rue Vallon) à Armentières ensuite (rue de Lille, siège de l’Imprimerie ouvrière). On retrouvera Gévart en 1895 dans l’ours de La Volonté du peuple. À noter que dans son numéro 2, L’Idée du forçat dresse un véritable constat de victoire : L’Idée du forçat était attendue. Son apparition a causé une grande joie au sein de la masse qu’elle est appelée à éclairer, à défendre et à affranchir dans un temps prochain. Et encore : À Roubaix, à la porte des fabriques, on s’en déchirait les exemplaires... 1.1 Le contenu de L’Idée du forçat L’Idée du forçat est donc le journal du Parti socialiste ouvrier révolutionnaire, qui se reconnaît dans les enseignements de Vaillant[1] plutôt qu’en ceux de Guesde. Il veut signaler les abus qui se commettent au sein des ateliers, des filatures, des tissages, des fabriques, chantiers, mines et autres lieux où on exploite les pauvres, le choix des mots indiquant la volonté de déborder du textile et de la région de Roubaix -Armentières; son programme : du travail pour tous, pour tous aussi le Pain, la Science et la Liberté. Le feuilleton est constitué par le Manuel d’instruction morale socialiste, imprimé de telle sorte que l’on puisse découper les pages pour les rassembler en volume. Par ailleurs L’Idée du forçat est farouchement anticléricale : Petits frères sodomistes, prêtres masturbateurs, idiots, porteurs de cierges, bonnes femmes qui se sont données à Dieu parce que le Diable n’en a jamais voulu... 1.2 Les rédacteurs. Sous le titre il est indiqué que L’Idée du forçat est rédigée avec le concours des citoyens Argyriadès, Baudin (de Vierzon), Breton, Chauvière, Degay, Descamps, Forest, Laudrin et Vaillant. Ce dernier signe d’ailleurs un article intitulé Socialiste révolutionnaire dans le premier numéro. Pourtant, Le Travailleur prétend que ce dernier aurait protesté contre l’usage fait de son nom (7 octobre 1893). Les autres articles sont anonymes. Bien entendu, l’hebdomadaire peut compter sur un réseau de correspondants, à la plume trop facile : la rédaction se plaint : nous avons reçu assez de copie pour faire deux numéros (n°8).Puis un peu plus tard : Bien peu de camarades ayant tenu compte de recommandations qui leur ont été adressées, faire court, aucune localité ne se verra attribuer plus de 300 lignes ; les articles locaux de plus de 40 lignes seront jetés au panier. 1.3 L’Idée du forçat et ses confrères L’Idée du forçat déteste Le Journal de Roubaix, ce torchon clérigaleux et monarchien dont le rêve est de vivre éternellement des gros sous volés sur nos salaires par nos exploiteurs bondieusards, cet organe de confessionnal jadis si cher à Notre-Dame de l’Usine électorale...Il a le plus profond mépris pour Roubaix-Tourcoing, feuille wilsonnienne et panamiste, qui n’a plus chez nos frères de travail aucun crédit, et ne tient debout que parce qu’il y a encore à Roubaix des patrons à qui un bout de ruban et un mandat électoral ont le don de plaire...Le Roubaisien, l’hebdomadaire de Deschamps, qui frappe toujours sur les petits, est peut-être plus ignoble -si c’est possible, que ses confrères le chéquart [L’Avenir de Roubaix-Tourcoing] et le bondieusard [Le Journal de Roubaix]. La Croix fera l’objet de toutes nos sympathies dans les seuls lieux où on l’utilise...En ce qui concerne le Réveil du Nord, il y a entre eux et nous quarante cinq ans de politique d’exploitation du peuple et quelques petits massacres, comme ceux de juin 48 et de mai 1871, massacres acclamés par ses amis d’hier...Seul sont épargnés L’Écho du Nord et La Dépêche. Mais l’hebdomadaire réserve bon nombre de ses traits les plus acérés au Travailleur, l’hebdomadaire guesdiste. Il est vrai que ce dernier insinue que L’Idée du forçat est payée par ses adversaires, et que le comte de Montalembert a versé au groupe dissident de Roubaix 20000 francs[2] : Il fallait s’y attendre le défunt Prolétaire[3] va revoir le jour sous le nom de L’Idée du forçat. Ce n’est qu’à titre de renseignement que nous avons signalé l’apparition de ce nouveau projectile […]. Et dire que les bourgeois croient en avoir pour leur argent[…] L’Idée du Forçat sera cinglant : Nous n’avons pas relevé les ordures de L’Exploiteur des travailleurs -(lire :Le Travailleur)-… l’organe mabouliste de Lille. Ou bien : Elle va bien, la presse policière et prostituée. Le mouchard Travailleur et son frère Le Réveil des jésuites donnent le nom d’un anarchiste, et ajoute : Belge réfugié en France à la suite de plusieurs condamnations… (n°5). Ou encore : Une feuille de chantage et d’ordure (nous avons nommé Le mouchard des travailleurs)… 1.4 La fin de L’Idée du forçat Le 10 décembre 1893, (n° 18), L’Idée du forçat annonce qu’il suspend sa parution. Les événements politiques décideront seuls de sa reparution […] Continuer la lutte en ces temps improductifs, c’est dépenser en pure perte des efforts… Aussi l’hebdomadaire dit-il Au revoir à ses lecteurs après ce dix-huitième numéro. [1] Mais selon Le Travailleur du 7 octobre 93, Vaillant aurait protesté contre l’utilisation de son nom par L’Idée du forçat. [2] Le Travailleur. 7 octobre 1893 [3] Raffinement dans l’insulte? Le Prolétaire du Nord (Lille, 1892) était l’organe du Parti ouvrier possibiliste…